La traçabilité des déchets concerne toutes les entreprises productrices de déchets dans le cadre de son activité. En France et depuis janvier 2022, la réglementation impose cette traçabilité par décret. L’objectif principal est l’anti-gaspillage pour favoriser l’économie circulaire et prévenir les atteintes contre l’environnement. Les entreprises sont tenues d’améliorer les conditions dont leurs déchets sont collectés, transportés et traités.
La mise en œuvre de cette réglementation se décline par la dématérialisation des bordereaux de suivi de déchets ainsi que l’obligation de transmettre le contenu de son registre chronologique. Au travers cette réglementation, l’État souhaiterait améliorer la traçabilité des déchets et collecter plus de données tout en simplifiant les obligations administratives des entreprises.
Certains pays européens sont en avance par rapport à la France et spécialement les pays nordiques : Norvège, Finlande, Danemark et Suède où le développement durable est à l’ordre du jour notamment dans le secteur du btp, reconnu comme étant une source majeure de CO2 et de gaz à effet de serre.
Quelles sont les réglementations en vigueur en Europe ? Où en est la France en termes de traçabilité des déchets ? On vous dit tout !
Les mesures européennes de traçabilité des déchets
Le principal flux des déchets de l’Union Européenne émane de la construction et de démolition en constituant environ ⅓ des déchets produits. Un protocole a été mis en place visant à générer des effets bénéfiques considérables en matière de durabilité et de qualité ainsi que des avantages majeurs pour le secteur de la construction et du recyclage de l’Union Européenne.
Le protocole lancé par l’UE s’inscrivait dans le cadre de la stratégie Construction 2020 ainsi que la communication de la commission sur les possibilités d’utilisation efficace des ressources dans le secteur de la construction. Aussi, le protocole s’inscrit dans le paquet économie circulaire, un projet ambitieux présenté par la Commission Européenne. Appelé Fit For 55, un paquet de 12 propositions législatives traduit l’intention avant-gardiste de la commission européenne à s’engager dans le combat climatique. Il vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% en 2030 et atteindre la neutralité climatique en 2050.
Il révise certaines propositions législatives sur le traitement des déchets afin de faciliter la transition de l’Europe vers une économie circulaire mais aussi d’accroître la compétitivité mondiale et soutenir la croissance économique durable. Les objectifs principaux du protocole sont :
– L’amélioration de l’identification, du tri à la source et de la collecte : En définissant les types de déchets tout en les triant par niveau de dangerosité.
– L’amélioration de la logistique des déchets : Cela passe par la traçabilité des flux de déchets, le transport adéquat des types de déchets et le tri en externe.
– L’amélioration du traitement des déchets : l’élimination des déchets dangereux de manière sélective en envisageant la façon par laquelle ils seront réemployés ou recyclés.
– La gestion de la qualité : avec des labels de l’Union, nationaux ou régionaux mais aussi de certificats et audits pour s’assurer de la conformité aux règlements. La gestion du chantier est importante également, elle se traduit par l’embauche de travailleurs qualifiés, des équipements appropriés et de bonnes conditions de travail.
– Politiques et conditions-cadre : Des restrictions en matière de mise en décharge et des réglementations du traitement des déchets selon leurs natures entre autres.
À l’heure actuelle, l’économie circulaire est au cœur de la stratégie européenne d’autant plus que le secteur du BTP est à l’origine de 50% des extractions de matières et responsable de plus de 35% de la production totale de déchets de l’Union européenne. Il est également la cause de 5% à 12% des émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes actuellement vers une stratégie globale pour des constructions bâties de manière durable. Cela passe par plusieurs mesures telles que l’amélioration de l’efficacité énergétique, l’utilisation intelligente des ressources ainsi que la gestion des déchets. Le recyclage est l’un des points clés des mesures mises en œuvre avec un objectif de 70% de recyclage des déchets du BTP, déjà fixé en Novembre 2008.
Certains pays réduisent considérablement leur production de déchets provenant du secteur du bâtiment et atteignent en effet un très bon taux de recyclage, faisons un focus sur la championne d’Europe : la Belgique !
La gestion des déchets en Belgique : la recette qui marche !
Le secret belge (qui n’en est pas un finalement) est de considérer les déchets et matériaux comme des ressources, le principe même de l’économie circulaire. En Belgique, les réglementations proviennent de multiples niveaux de pouvoir : Europe, Belgique, Bruxelles, Wallonie et la région flamande. Il existe plusieurs types de déchets dans le BTP, les terres en constituent pas moins de 70%. Comment la Belgique gère les déblais provenant de ses chantiers ?
La région flamande :
Une traçabilité complète pour toutes utilisations des terres excavées sauf quelques exceptions à savoir l’excavation inférieure à 250m3 en provenance d’un terrain non-suspect, l’excavation inférieure à 250m3 en provenance d’un terrain suspect avec réutilisation dans la zone de travail selon le CdBP, la réutilisation dans la zone d’usage sur place et enfin l’excavation et la réutilisation dans le cadre d’un assainissement du sol (conforme à l’attestation de conformité du projet d’assainissement)
La région wallonne, AGW favorisant la valorisation de certains déchets. Ici deux normes sont définies :
– Normes liées aux terres non-contaminées, comparables aux normes pour utilisation libre en Flandre
– Normes liées aux terres décontaminées, au-delàs desquelles on parle des terres contaminées
Les terres non contaminées peuvent être réutilisées sur site ou évacuées et réutilisées directement sans être enregistrées préalablement. Certaines terres décontaminées peuvent être évacuées mais doivent passer par un centre de traitement d’abord pour y être enregistrées. Il existe une possibilité d’échapper à cette étape moyennant une procédure administrative mise en place par l’article 13 de l’arrêté du gouvernement wallon qui procure un certificat d’utilisation.
Région Bruxelles-Capitale :
L’IBGE (Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement) applique des conditions pour les dossiers ouverts dans le cadre de l’ordonnance des sols du 05/03/2009 pour remblayer les zones excavées au cours des travaux d’assainissement ou de mesures de gestion de risque mais également pour la réutilisation des terres sur d’autres terrains dans la région de Bruxelles-Capitale où des excavations ont eu lieu.
Les terres de remblais doivent répondre aux normes d’assainissement bruxelloises (comparable aux valeurs seuil flamandes). La teneur en matériaux pierreux ne peut pas dépasser le 1% de masse/volume. Le mélange de terre pour obtenir une meilleure qualité n’est pas permis. Les paramètres suivants doivent être analysés : HAP, métaux lourds, huile minérale et hydrocarbures chlorées. La réutilisation des terres sur la parcelle d’origine est possible -pourvu qu’il ne s’agisse pas des sols à assainir – si certaines conditions sont respectées.
En somme et pour comparer les trois régions, on constate que la Région flamande a mis en place une procédure de traçabilité complète, la Région wallonne contraint les acteurs à travers des obligations émanant du décret déchets. La Région Bruxelles-Capitale a quant à elle mis l’accent sur les applications sur les terres de remblais.
La France, un modèle plus complexe et exigeant ?
Le marché du BTP en France est trois fois plus élevé que celui de la Belgique. La priorité de la France est de protéger l’environnement et la santé humaine. La différence majeure avec la Belgique est que cela nécessite beaucoup de données/études et une réutilisation limitée des déchets.
La réglementation française impose aux entreprises de trier et de valoriser certains déchets notamment les emballages depuis 1994, les biodéchets depuis 2012 et les 5 (cartons, métaux, bois, verre et plastique) flux depuis 2016.
Avec l’arrivée de la REP, la Responsabilité Élargie du Producteur, qui est basée sur le principe de “ pollueur-payeur ”, les entreprises sont responsables de l’ensemble du cycle de vie de leurs produits, depuis leur conception jusqu’à leur fin de vie. Les coûts de gestion des déchets (totaux ou partiels) sont transférés directement vers les producteurs. 24 filières à REP existent en France, la loi AGEC (Anti-gaspillage pour une Économie Circulaire) a prévu d’en rajouter d’autres d’ici 2025. Le secteur du bâtiment a été concerné par la REP en 2022.
À l’heure actuelle, les entreprises doivent vérifier que leurs prestataires puissent recevoir leurs déchets en obtenant un certificat d’acceptation préalable (CAP) et que leurs déchets soient bien admis dans une installation adéquate. Afin d’assurer leur traçabilité, un bordereau de suivi des déchets dangereux (BSDD) doit être renseigné au moment de la prise en charge des déchets. Un registre des déchets doit également être tenu à jour par toutes les entreprises afin d’assurer la traçabilité des déchets sortant de l’entreprise.
L’économie circulaire n’est pas encore au point en France avec une production de déchets qui ne diminue plus depuis maintenant 10 ans. Le secteur de la construction en est la première cause principale avec 70% des déchets produits par la France dans ce secteur. (source). C’est donc le secteur du bâtiment qui génère le plus de déchets en France. Cela est dû principalement à un marché qui pèse près de 46 millions de tonnes par an selon un rapport réalisé par la filière en 2019. Parallèlement, l’absence de réduction des taxes sur tous les matériaux et équipements vendus permettrait de mieux trier les déchets afin de recycler et de réduire le gaspillage de matières premières et d’énergie.
Chargée de Marketing Digital chez Altaroad, je prépare une thèse professionnelle sur la transition digitale dans le secteur du BTP et spécifiquement dans la traçabilité des déchets de chantiers. Dans cette série d’articles, vous trouverez des actualités, les enjeux liés au secteur, les problématiques… À travers ma thèse, je souhaiterais trouver des réponses à plusieurs questionnements : Pourquoi le BTP a-t-il résisté si longtemps à la transition digitale ? Qu’est-ce qui change actuellement et qui permet l’explosion des investissements dans la “contech” ? Suivons cela de près !