Le secteur de la construction génère chaque année pas moins de 46 millions de tonnes de déchets de chantier selon la Fédération Française du Bâtiment, cela représente 12% de la somme de tous les déchets de France. La FFB souligne que ce chiffre ne prend pas en compte les déchets du secteur des travaux publics qui représentent quant à eux 85 millions de tonnes.
Les déchets du BTP sont issues de la démolition qui représente 51% des 46 millions, la construction neuve affiche 13% et la rénovation 36%. Les plâtres génèrent à elles seules 40 000 tonnes de déchets par an mais, bon point pour ce matériau, sont valorisés dont 2 à 15% sont produites à partir de chutes de coupe lors d’un chantier.
La gestion des déchets est donc un enjeu qui touche non seulement les acteurs de la démolition mais également les artisans et constructeurs qui produisent 49% du volume de déchets. Qu’ils soient dangereux, inertes ou non inertes, les déchets du bâtiment sont au coeur des préoccupations pour diverses raisons :
- Les déchets sont généralement mal rassemblés, non traçables et souvent mélangés.
- Une grande partie des déchets est évacuée dans des décharges sauvages de manière illégale.
- Une partie non négligeable est issue du gaspillage et qui coûte environ 5 milliards d’euros au secteur dans son ensemble.
Pour remédier à ces problématiques énergétiques, écologiques et économiques, plusieurs solutions sont envisageables : un encadrement légal pour les acteurs du secteur du bâtiment et du traitement des déchets, un meilleur raccordement du réseau de récupération des déchets et un recyclage/valorisation plus abouti des consommables et matériaux de construction.
Les réglementations en vigueur concernant la traçabilité des déchets
Pour faire face aux problèmes liés au volume important des déchets du BTP et au fléau des déchetteries sauvages, le gouvernement a mis en place une réglementation régissant la traçabilité et le traitement des déchets.
La loi dite AGEC (loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) renforce la traçabilité des déchets, des terres excavées et sédiments en dématérialisant les Bordereaux de suivi de déchets avec l’application gouvernementale Trackdéchets ou encore par l’obligation de transmettre le contenu de son registre chronologique au registre national. Ces obligations sont entrées en vigueur en janvier 2022.
Les déchets de type dangereux et dits POP (Polluants Organiques persistants) sont déjà soumis à la traçabilité par le biais d’un BSD numérique (Bordereau de Suivi des Déchets) via l’application Trackdéchets et ce depuis le mois de janvier 2022. Le décret n° 2021-321 du 25 mars 2021 relatif à la traçabilité des déchets, des terres excavées et des sédiments prévoit également que les professionnels produisant ou traitant des terres excavées et sédiments doivent transmettre le contenu de leurs registres chronologiques au registre national.
Pour des raisons pratiques, l’interface avec les API du RNDTS (Registre National des Déchets, Terres excavées et Sédiments) sera disponible courant de l’année 2022. Si elles ne souhaitent pas saisir dans l’interface proposée par le RNDTS, ce qui peut s’avérer chronophage, les entreprises sont encouragées à collecter dès à présent les données du registre et à les synchroniser lorsque les APIs seront disponibles et au plus tard le 31 Décembre 2022.
La Responsabilité Élargie du Producteur, votée en 2020, entrera en vigueur en 2023. La REP rentre sous l’égide de la loi AGEC, le gouvernement souhaiterait non seulement réduire et traiter les déchets mais également favoriser la valorisation de ceux-ci.
La traçabilité n’est pas la seule préoccupation du gouvernement. En effet, l’État met également l’accent sur le recyclage des déchets et leur valorisation. Il est nécessaire de trier les DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques), DEA (déchets d’éléments d’ameublement) et les DDS (déchets diffus spécifiques).
Sur les devis de démolition, de construction ou de rénovation, il est désormais nécessaire d’ajouter 4 mentions de déchets :
– Le volume de déchets produits par la réalisation du projet
– Le détail de la gestion des déchets : types, stratégies de tri et modalités d’évacuation
– La précision des exutoires et points de collecte
– Le coût de gestion des déchets, du transport et du traitement.
Dès 2023, le gouvernement imposera également une meilleure traçabilité des déchets du BTP à la réception avec des bordereaux de dépôt. Les centres de collecte et de traitement devront remettre un bordereau aux professionnels précisant plusieurs informations comme l’identité de l’installation ainsi que celles du professionnel et du maître d’ouvrage du chantier, la nature et le volume des déchets et la date de dépôt. L’acteur du chantier devra conserver ce bordereau pour le présenter sur demande au maître d’ouvrage ou en cas de contrôle.
Les déchets DIB (Déchet Industriel Banal) doivent suivre un tri sept flux plus deux supplémentaires sur le chantier. Cette démarche est rendue obligatoire par la réglementation en juillet 2021 sur les déchets de chantier. Cela permettra d’atteindre l’objectif de 75% de valorisation fixé par le gouvernement.
L’évacuation des déchets de chantier
Les professionnels peuvent se charger eux-mêmes de l’évacuation de leurs déchets de chantier, l’idéal serait de localiser l’exutoire ou le centre ICPE le plus proche. Il faut également penser à s’inscrire au registre des transporteurs car le transport de déchets de chantier par les voies publiques fera du professionnel de chantier un transporteur public.
Pour réduire l’impact écologique et imposer aux acteurs du bâtiment une conduite plus écologique, les pouvoirs publics interdisent certaines pratiques comme le dépôt sauvage par exemple. Pour les professionnels, la gestion et l’évacuation des déchets de chantier ces évolutions peuvent être perçues comme une corvée, et beaucoup soulignent le fait que c’est un geste supplémentaire au sein d’un emploi du temps déjà surchargé.
Un plan de gestion et de valorisation des déchets est en train de se mettre en place en France dans le but de ne laisser aucune zone d’ombre dans les années qui viennent. Toutes ces lois rendent la gestion des déchets plus complexe et potentiellement chronophage si elle est utilisée telle quel. Pour cette raison, certaines entreprises font appel à des solutions digitales ou anticipent la gestion de ces étapes avant même de commencer le chantier.
Soulignons que toutes ces réglementations permettent aux entreprises de mieux gérer leurs déchets. L’objectif final est une meilleure valorisation des déchets de chantier pour une participation effective à l’économie circulaire avec tous les intérêts économiques et environnementaux qu’elle englobe. Ces obligations sont une opportunité de repenser les méthodes de travail dans le secteur du BTP, un secteur de plus en plus digitalisé.
Chargée de Marketing Digital chez Altaroad, je prépare une thèse professionnelle sur la transition digitale dans le secteur du BTP et spécifiquement dans la traçabilité des déchets de chantiers. Dans cette série d’articles, vous trouverez des actualités, les enjeux liés au secteur, les problématiques… À travers ma thèse, je souhaiterais trouver des réponses à plusieurs questionnements : Pourquoi le BTP a-t-il résisté si longtemps à la transition digitale ? Qu’est-ce qui change actuellement et qui permet l’explosion des investissements dans la “contech” ? Suivons cela de près !