Avec ses 42 millions de tonnes de déchets générés chaque année en France et ses 3 milliards d’euros de coût de gestion actuel, les enjeux du secteur du bâtiment sont colossaux. Même si le taux de valorisation des déchets du BTP est estimé à près de 70%, la marge de progression demeure importante : générer des pratiques plus vertueuses en termes d’éco-conception des produits, mais aussi en matière de collecte, de tri, et de valorisation des déchets se présente comme l’objectif ultime pour les dix prochaines années. Face à ce constat, et avec la promulgation de la loi AGEC relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020, une filière REP pour les produits et matériaux de construction du bâtiment (PMCB) a été ajoutée à la trentaine de filières déjà existantes en France.
Pour rappel, la REP, la Responsabilité Élargie du Producteur est née de la nécessité de créer une économie circulaire, c’est-à-dire dont le système repose sur une production durable des produits et services, en limitant la consommation et le gaspillage des ressources. Trois principaux objectifs s’inscrivent dans son cadre :
- développer la valorisation des déchets et accroître le taux de recyclage
- alléger la charge financière que représente pour les communes et les contribuables la gestion des déchets
- engager la responsabilité des metteurs sur le marché – et plus largement des producteurs et détenteurs de déchets – vis-à-vis de l’impact de leurs produits tout au long de leur durée de vie.
Concernant plus spécifiquement la REP bâtiment, initialement prévue au 1er janvier 2022, celle-ci a vu sa date de démarrage reportée au 1er janvier 2023. En premier lieu, ce report est dû aux difficultés d’approvisionnement de certaines matières premières de construction qui résulte de la crise sanitaire, mais d’autre part l’idée est de laisser plus de temps aux éco-organismes de définir leurs missions et leurs responsabilités dans la collecte et la valorisation des déchets.
Le but de ce nouvel article est de faire le point sur tout ce qu’implique la mise en vigueur très prochaine de la filière REP pour les PMCB. Entre nouvelles obligations, détails des produits concernés et moyens mis en place, on vous aide à y voir plus clair !
Les grands principes de la REP bâtiment
Fonctionnement et moyens mis en place :
Les objectifs de la REP bâtiment reprennent ceux de la REP en général, mais avec une attention particulière portée à la lutte contre les dépôts sauvages, au renforcement du maillage des points de collecte, ainsi qu’à la traçabilité des déchets.
C’est le décret n° 2021-1941 du 31 décembre 2021 qui régit les grands principes de celle-ci, notamment en ce qui concerne son fonctionnement, les modalités d’application ainsi que les produits concernés.
Tout d’abord, le décret précise les parties concernées par la REP bâtiment. On y retrouve entre autres les producteurs des produits et matériaux de construction, les distributeurs, les opérateurs du réemploi et de la réutilisation de ces produits et matériaux ; de même, les collectivités territoriales chargées de la gestion des déchets, ainsi que les organismes de la REP bâtiment sont également concernés.
Pour la REP PMCB, comme toutes les autres filières REP, ce sont les metteurs sur le marché – les producteurs et distributeurs des produits et matériaux de construction – qui en sont responsables pendant toute la durée de leur cycle de vie, de leur éco-conception, jusqu’à leur fin de vie après qu’ils sont devenus des déchets.
L’idée est que le metteur sur le marché adhère à un éco-organisme agréé par les pouvoirs publics et qu’il puisse alors déléguer son obligation légale de gestion des déchets à ces derniers. En échange, il s’engage à leur verser une éco-contribution basée sur les quantités de produits mises sur le marché. Le rôle de l’éco-organisme sera alors de se charger de la collecte, du tri, du recyclage et de la valorisation des déchets.
Plus spécifiquement, les éco-organismes devront financer le ramassage et le nettoyage des dépôts sauvages de déchets du BTP, également créer et financer des fonds de réemploi solidaires. De même, il est prévu l’installation de nouvelles déchetteries professionnelles pour augmenter le maillage territorial. Enfin, en déchetterie, les déchets triés seront repris gratuitement et un bordereau de dépôts sera remis aux professionnels afin de garantir une meilleure traçabilité des déchets du bâtiment.
Les produits concernés :
Le décret relatif à l’application de la REP bâtiment sépare les déchets PMCB en deux catégories : les déchets inertes (béton, ardoises, granulats, pierre, terre, etc.) et les déchets non-inertes (bois, laine de verre, plastiques, peintures, plâtre, verre, etc.). Sont exclus du champ d’application les produits et matériaux à destination du génie civil ou des travaux publics ainsi que les terres excavées.
Concernant les modalités et objectifs de collecte et de valorisation des déchets du bâtiment, le décret fixe le taux de collecte pour les déchets inertes à 82% en 2024 et 93% en 2027. Pour les autres types de déchets, ce taux est porté à 53% en 2024 et 62% en 2027. Quant au taux de recyclage et de valorisation, celui-ci est fixé à 35% (2024) et 43% (2027) pour les déchets inertes et il est de 39% en 2024 et 45% en 2027 pour les autres déchets.
Le rôle de chaque éco-organisme :
Comme on a pu le voir, les enjeux sont de taille pour la nouvelle filière REP bâtiment : développer le réemploi et le recyclage, mettre fin aux dépôts sauvages, tout en assurant la reprise gratuite des déchets et en maillant le territoire de points de reprise en fonction des besoins des locaux. C’est pourquoi le Gouvernement a délivré des agréments à 4 éco-organismes qui seront chargés de mener à bien ces missions cruciales.
- Valobat : C’est l’éco-organisme multi-matériaux pour l’ensemble des flux (inertes et non-inertes) qui offre une solution de reprise des déchets collectés séparément dans des points de collecte de proximité. Valobat développe également des filières de recyclage.
- Ecominéro : Il est spécialisé dans le béton prêt à l’emploi ainsi que dans les produits en béton pré-fabriqué, les granulats, le ciment ainsi que la pierre de construction, les tuiles et les briques. Il entend permettre à tout détenteur de déchets inertes PMCB de se défaire de ses déchets triés.
- Ecomaison : Anciennement nommé ‘’Eco-mobilier’’, cet éco-organisme organise la collecte et le recyclage des matériaux non inertes non dangereux. En 2022, il a étendu son activité aux articles de bricolage et de jardin et aux jouets. Avec les produits et matériaux de construction du bâtiment, et bientôt les textiles de décoration, Eco-mobilier devient le premier éco-organisme de la maison multifilière et multimatériaux.
- Valdelia : Initialement spécialisé dans la collecte et le recyclage des déchets d’éléments d’ameublement non ménagers, Valdelia a été agréée en tant qu’éco-organisme de la filière REP PMCB dans la catégorie 2 (déchets non-inertes).
Même si ces 4 éco-organismes travaillent autour d’un intérêt commun puisque leurs objectifs sont sensiblement les mêmes, dans les faits, les choses ne sont pas aussi simples. En effet, une certaine concurrence tend à s’installer concernant le montant de l’éco-contribution que devront leur verser les producteurs adhérents. C’est à chaque éco-organisme de déterminer un barème pour le montant de l’éco-contribution. Tandis que Ecomaison a annoncé des grilles tarifaires revues à la baisse, Valdelia, son principal concurrent, a déclaré refuser de s’adonner à ‘’cette course aux prix bas’’ et a maintenu son barème initial. Selon l’éco-organisme, le montant de son éco-contribution s’explique par la nécessité de création d’ « une filière à haute valeur ajoutée, tournée vers l’économie circulaire ».
Garantir la traçabilité de bout en bout des déchets
Comme déjà évoqué, à partir de janvier 2023, dans le cadre de la filière REP PMBC, les éco-organismes devront assurer la traçabilité et la gestion des déchets de chantier. Dans le détail, l’article 1 du décret définit les conditions de reprise gratuite des déchets. Il est notamment précisé que les déchets devront être triés pour faire l’objet d’une reprise gratuite au niveau des points d’apports volontaires.
Et qui dit reprise gratuite, implique la nécessité pour les entreprises du bâtiment de garantir une bonne collecte et une traçabilité de bout en bout des flux matériaux et déchets du bâtiment. C’est d’ailleurs en ce sens que depuis le 1er juillet 2022, le devis des professionnels doit faire apparaître une estimation du tonnage et du volume total des déchets, ainsi qu’une indication concernant leur modalité de tri (triés ou mélangés), ainsi que le lieu de dépôt des déchets.
C’est là qu’intervient ALTAROAD, la solution de traçabilité complète des flux matériaux et déchets du BTP. Grâce à une collecte de données en temps réel des caractéristiques des camions et poids lourds sur chantier et sites industriels – plaques, poids, contenu, horaires, temps sur site, – les données de traçabilité sont stockées et visibles immédiatement sur tableaux de bord via une interface digitale qui en assure la confidentialité et la sécurité.
En quelques clics, la plateforme digitale, DigiTrack, permet la traçabilité de l’ensemble des mouvements entrants et sortants sur sites, l’émission du bordereau dématérialisé de suivi des déchets, la planification, ainsi que la remontée automatique d’alertes en cas de surcharge ou sous-charge des poids-lourds au départ du site et à l’arrivée à l’exutoire. De même, afin d’assurer une conformité réglementaire totale, notamment vis à vis des nouvelles réglementations prévues dans le cadre de la REP du bâtiment, notre solution ALTAROAD est synchronisée avec les outils gouvernementaux Trackdéchets et le RNDTS.
Enfin, puisque une traçabilité optimale ne saurait être entreprise sans une maîtrise de son empreinte carbone, un tableau de bord interactif donne aux acteurs du bâtiment une vision globale et en temps réel des émissions de CO2 produites par les sites de leur entreprise.
[EDIT] Un nouveau report de la mise en application de la REP bâtiment ?
À un mois de la mise en place officielle de la REP bâtiment au 1er janvier 2023, un nouveau bouleversement pourrait de nouveau reporter son démarrage. En effet, les quatre éco-organismes ont récemment adressé un courrier au Ministère de la Transition écologique dans lequel ils demandent un report de quatre mois de l’éco-contribution. La raison ? La période de tolérance de quatre mois accordée aux PME quant à leur obligation d’adhérer à un éco-organisme créée une inégalité de traitement avec les autres. [EDIT du 15/12/2022] En effet, lors des Assises du BTP en septembre 2022, le gouvernement a annoncé une période de tolérance pour la mise en conformité des petites entreprises concernées par la REP avec en parallèle une démarche de sensibilisation pédagogique à cette nouvelle obligation. Le deuxième argument avancé concerne la capacité à remplir les obligations contractuelles ainsi que le financement des circuits d’économie circulaire. Pour le président de Valobat il n’y aurait alors que deux solutions : soit abaisser le niveau de prestations, au risque que les obligations ne soient plus respectées, soit augmenter le barème pour les ETI et les grandes entreprises qui paieraient donc davantage.
De ce fait, les quatre éco-organismes proposent le maintien au 1er janvier 2023 de l’obligation d’adhésion à un éco-organisme et ce pour toutes les entreprises. Mais ceci étant, ils avancent que toutes les entreprises, et non plus seulement les PME, devraient être exemptées de l’éco-contribution sur les quatre premiers mois.
La décision gouvernementale n’est pas encore parvenue mais beaucoup s’accordent à dire que cette nouvelle mesure permettrait de donner aux éco-organismes la visibilité budgétaire qui leur manque et de contribuer du même coup à la réussite de cette nouvelle filière REP pour les PMBC dont l’ampleur au sein des REP françaises déjà existantes est sans précédent.
Outre la dimension obligatoire de la nouvelle filière REP bâtiment à partir de janvier 2023, ses enjeux sociétaux sont multiples. Conformément aux principes de la transition écologique et de l’économie circulaire, tels que prévu par le Pacte Vert Européen, la Rep PMBC vise non seulement à développer le réemploi, la réutilisation et la valorisation des déchets, mais aussi à lutter contre les dépôts sauvages, véritables fléaux économiques et environnementaux. De même, renforcer le maillage des points de collecte accessibles pour un traitement des déchets à proximité des chantiers, ainsi que soutenir les collectivités locales chargées des déchets du bâtiment apportés par les particuliers, constituent des points essentiels pour parvenir à remplir les objectifs fixés.
Enfin, garantir la traçabilité des déchets, c’est garantir que ceux-ci soient collectés gratuitement par les éco-organismes tout en simplifiant les démarches administratives !
Chargée de marketing digital chez Altaroad et étant intéressée par la digitalisation de l’industrie de la construction, je m’intéresse particulièrement aux nouveaux outils mis en place. Je publierai régulièrement des articles liés aux enjeux du secteur du BTP, les problématiques, les actualités, etc.